Aux termes du régime juridique général des baux constitutifs de droits réels, le preneur est libre de transmettre les droits réels dont il est titulaire à la personne de son choix. Ce principe doit toutefois être relativisé s'agissant des droits réels issus d'un bail réel solidaire (BRS) : l'accédant est libre de céder ou donner ses droits réels à qui bon lui semble, sous réserve de l'agrément préalable du cessionnaire ou du donataire par l'organisme de foncier solidaire (OFS). Ce pouvoir d'agrément est doublé d'un autre outil original, le droit de préemption dont dispose l'OFS à l'occasion de toute cession ou donation. Ces deux mécanismes visent à s'assurer du maintien de l'attribution des logements à un public modeste.
L'agrément de l'OFS, un préalable nécessaire à toute transmission des droits réels
Bien que le principe soit celui de la libre transmission des droits réels par le preneur à BRS, la délivrance par l'OFS d'un agrément est une condition préalable indispensable pour la validité de toute cession ou donation. L'
Dans le cadre de l'instruction de la demande d'agrément, l'OFS est tenu de vérifier, dans un délai maximal d'instruction de deux mois, le « respect des conditions d'éligibilité de l'acquéreur ou du donataire à la conclusion d'un bail réel solidaire définies à l'article L. 255-2, L. 255-3 ou L. 255-4, de la conformité de l'offre préalable de cession ou de donation avec le bail en vigueur, notamment du respect des stipulations concernant les modalités de calcul du prix de vente ou de l'évaluation des droits réels appartenant au vendeur ou au donateur, et, le cas échéant, de la validité du plan de financement de l'acquisition. »
Outre d'autoriser la transmission envisagée, l'agrément a pour effet principal de proroger le bail. C'est lui qui permet à tout nouveau preneur de bénéficier d'un droit réel d'une durée égale à celle prévue dans le contrat initial, conformément à l'
En cas de refus d'agrément, il y a lieu de distinguer la situation de la cession de celle de la donation.
Dans le premier cas, l'
Dans le second cas, le donateur ne dispose pas - logiquement - de la possibilité de demander à l'OFS de lui proposer une personne susceptible de recevoir la donation. Seule la possibilité de procéder à la résiliation conventionnelle du bail est alors ouverte, mais elle ne constitue pas une obligation. En cas de résiliation, le preneur est indemnisé de la valeur de ses droits réels dans les conditions fixées au bail.
Les critères de délivrance de l'agrément de l'OFS et les marges de manœuvre contractuelles
L'
En zone tendue, voire très tendue, considérant qu'ils ne sont pas suffisants pour garantir le succès de la politique portée par l'OFS, pourrait-on envisager de créer conventionnellement des critères supplémentaires, comme le lien avec le territoire, le ciblage de professions clefs, etc., à l'instar des critères prévus pour la première attribution d'un BRS ?
Le respect des dispositions des articles
Ces éléments devraient toutefois faire l'objet d'une communication systématique aux accédants afin qu'ils aient connaissance des conditions de transmission des droits réels. Ils seraient par ailleurs opposables à l'OFS.
On peut s'interroger, en outre, sur le point de savoir si la délivrance de l'agrément est laissée à la discrétion de l'OFS ou s'il est en réalité en situation de compétence liée dès lors que le cessionnaire ou donataire répond aux critères légaux et, le cas échéant, aux critères locaux. Il ne ressort aucunement des textes que l'OFS est tenu d'agréer le cessionnaire ou le donataire si celui-ci remplit a minima les critères légaux, et aucune condition n'est posée pour un refus d'agrément. Ces éléments pourraient militer dans le sens d'une faculté laissée à l'appréciation de l'OFS, d'un pouvoir discrétionnaire d'agrément. Toutefois, la seule notion d'agrément utilisée par le CCH pourrait également militer dans le sens d'une obligation de délivrance, dès lors que le cessionnaire ou le donataire répondrait aux conditions légales et, le cas échéant, locales.
Le droit de préemption de l'OFS, un outil de contrôle des rotations
L'OFS dispose d'un pouvoir supplémentaire à l'occasion de toute cession ou donation des droits réels : un droit de préemption lui permettant de se porter acquéreur des droits réels immobiliers du cessionnaire ou donataire - par voie de résiliation du bail et indemnisation des droits réels immobiliers -ou de les faire acquérir par un bénéficiaire agréé par lui (
Plus précisément, l'
L'exercice du droit de préemption de l'OFS n'est soumis à une aucune condition légale, aucune condition d'exercice, aucune finalité, de sorte que ce droit peut être utilisé à la discrétion de l'OFS. En ce sens, il constitue une réelle garantie pour l'OFS qui dispose d'un pouvoir lui permettant de se parer contre tout éventuel abus dans le cadre d'une procédure de cession ou de donation de droits réels.
De la même manière, le texte est silencieux quant aux éléments d'arbitrage entre acquisition des droits réels par l'OFS - par voie de résiliation du bail - ou acquisition par un tiers en cas d'exercice du droit de préemption. Contrairement au cas du refus d'agrément où le texte prévoit un délai de 6 mois pour trouver un nouveau cessionnaire, aucune condition temporelle n'est posée en cas d'exercice du droit de préemption. Toutefois, le silence du texte ne conduit pas à conclure à une totale liberté sur ce point, le respect des droits de l'accédant initial imposant le respect d'un délai raisonnable pour trouver un nouveau cessionnaire.
Le principal intérêt de l'exercice du droit de préemption semble être la garantie de la rotation des droits réels : l'opération conduit nécessairement à une transmission des droits réels, soit au profit de l'OFS (ce qui implique d'avoir la trésorerie nécessaire) soit au profit d'un tiers sélectionné par l'OFS sur la base des critères légaux et, éventuellement, de critères locaux. Le simple refus de délivrance d'un agrément ne présente pas la garantie de conduire à la rotation des droits réels au profit d'un nouveau cessionnaire puisque l'accédant peut toujours décider de conserver ses droits réels. Il pourra alors ensuite proposer un nouveau projet de transmission à l'OFS.
Un contrôle justifié par l'action publique portée par l'OFS
Il est important de garder à l'esprit que ces interférences dans les projets de transmission d'un preneur à BRS sont susceptibles non seulement de faire l'objet d'un recours de la part de l'accédant ou du cessionnaire/donataire qui pourraient se trouver lésés, mais encore d'un recours administratif, lorsque l'OFS est une personne morale de droit public (GIP, établissem*nt public). Il semble donc nécessaire de justifier le refus d'agrément ou l'exercice du droit de préemption. La politique publique de l'habitat menée par l'OFS est de nature à justifier, pour partie, le contrôle de l'OFS sur la sélection et la nature du cessionnaire et l'exercice de ces pouvoirs légaux. Une argumentation spécifique à chaque opération sera toutefois nécessaire.
En sus de ces dispositifs expressément envisagés par le CCH, l'OFS peut introduire dans le bail un pacte de préférence au terme duquel l'accédant s'engage à lui proposer prioritairement de traiter avec lui pour le cas où il envisagerait de transmettre ses droits réels. L'OFS est ainsi garanti de voir les droits réels cédés à un ménage sélectionné dans le cadre de sa procédure de sélection spécifique. On imagine que seuls les OFS prépotents seront intéressés par ce type de contractualisation.
Au même titre que les éléments de définition de la politique d'accession de l'OFS, les mécanismes de contrôle des transmissions des droits réels entre vifs, qu'ils soient légaux ou contractuels, et leurs modalités de mise en œuvre sont le reflet de l'action publique menée par l'OFS.